Le Four à tuiles découvert en 1992

 

Extraits du bulletin paroissial Septembre 1992 de l'abbé E.DESCOURVIERES

Le four à tuiles : une aubaine pour la recherche archéologique

Découvert l’année derrière‘ dans le pré de M. Hoyet, en bordure de la Saône, à quelque 300 mètres de la célèbre mosaïque, ce nouveau site tient toutes les promesses auxquelles on s’attendait.

L'équipe du jeune chercheur Fabrice Charlier, procède au démontage de toute la partie inférieure du four qui était capable de cuire en une semaine de chauffe quelque 10.000 tuiles, dix fois par an.Ces travaux entrent dans le cadre de la thèse que M. Charlier s'apprête à soutenir sur la production de la tuile et des poteries en Franche-Comté dans l'antiquité (du I au IVe siècle après JC) sous le direction scientifique du " Service régional d’archéologie de Franche-Comté >>. Il est pour cela secondé par quelques étudiants en sciences, histoire et archéologie de la région.

' Pour l’immédiat, il poursuit un double objectif. Tout d’abord, tenter d’établir le rapport de cette nouvelle découverte avec ce que l'on connaît dans ce site depuis 25 ans : la ' villa, le village, pour en avoir une vue d'ensemble plus précise notamment chronologique. Mais surtout, M. Charlîer veut profiter du fait extrêmement rare que l'on dispose ici d’une quantité extraordinaire de tuiles entières, permettant une étude statistique irremplaçable.

Ces observations doivent intéresser d’autres archéologues, Ainsi, les marques de tâcherons permettant d’identifier le fabricant, les moules, les technologies, les structures de cuisson, les éven tuels mouvements commerciaux pour ces tuiles à l’époque de leur production. Depuis 1e début de l’été, l’équipe fouille pour connaître parfaitement l’ensemble des structures de cuisson, composée de trois fours organisés autour d’une aire de chauffe,

Des milliers de tuiles mesurées et fichées constituaient les murets latéraux qui de chaque côté de l’alendier (couloir principal de circulation d’air chaud) soute

naient la tôle percée supportant les matériaux à cuire. Relevées une à une, elles sont mesures au pied à coulisse, pesées, examinées en détail. Chaque tuile est fichées et ses coordonnes sont entrées dans un ordinateur. Quelques autres archéologues se lancent aussi dans cette nouvelle méthode de " mise en conserve " des connaissances sur l’identification des matériaux antiques. La confrontation de ces données devient possible dans le temps et pour différents chantiers : on établit ainsi des références d’identification des tuiles. Il s’agit là d’une démarche scientifique exceptionnelle.Tout va bientôt être terminé. Comme la zone est inondable, elle sera rebouchée. Mais les moindres détails de cette " mine " d’observation sont relevés et viennent enrichir le patrimoine local, régional et même national de notre connaissance sur la période gallo-romaine.

four à tuiles Romain

Le four à tuiles exploité par le jeune archéologue Fabrice Charlier se révèle plein d’enseignements.

Rien à ajouter à cet article paru dans l'EST REPUBLICAIN, de 1992 sinon, de la part: de la "douzaine" de jeunes, qui ont fouillé bénévolement pendant plus de 7 semaines, les remerciements à tous ceux qui les ont aidés et soutenus matériellement et moralement .

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Les différentes parties d'un four de tuilier gallo-romain.

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LE FOYER

Le foyer se composes de différentes parties : la gueule, l'alandier et la chambre de chauffe.

 

LA GUEULE

Celle-ci, appelée également gueulard ou bouche, est l'ouverture basse du four située à l’extrémité de l’alandier et dans laquelle se trouve l'emplacement du feu de départ.

 

L’ALANDIER

Ce conduit canalise le flux de chaleur dégagé par le feu, de la gueule à la chambre de chauffe. il éloigne le feu du chargement à cuire qu’il protège des irrégularités de flammes et de chaleur. Le sol de l’alandier peut remonter légèrement vers cette dernière, peut-être en raison du sens ascendant du flux de chaleur, ou pour faciliter le curage des parties basses du four. Cet alandier est souvent enduit d’un mortier d'argile qui le protège de l'action du feu et l'imperméabilise.

 

 

LES CONDUITS DE CHALEUR

Entre ces murets sont préservés des espaces latéraux qui vont distribuer la chaleur sur les côtés pour que celle-ci soit répartie de manière plus homogène sous la sole. Ces conduits de chaleur sont aménagés de différentes façons, ce qui nous a amenée à établir une typologie.

 

LE DRAIN

Celui-ci est creusé dans le sol du foyer afin de recueillir à l'intérieur du four les eaux d’infiltration et de ruissellement dues pour les unes à l'encavement de la chambre de chauffe, pour les autres aux intempéries durant la période de non-activité. Le four est ainsi protégé des dégradations naturelles.

 

LE LABORATOIRE

C'est la partie haute du four dans laquelle est disposée la charge à cuire, briques ou tuiles ou autres matériaux de construction. Le laboratoire a été dessiné en pointillé sur notre schéma car il n’a jamais été retrouvé entièrement intact. Les fouilles archéologiques ont montré qu'il devait exister pour les fours de tuiliers deux sortes de laboratoires : des laboratoires maçonnés permanents et Ces laboratoires non permanents détruits après chaque cuisson. Nous reviendrons sur cette question ainsi que sur celle de la disposition du chargement à l'intérieur du four.

 

LA COUVERTURE DU LABORATOIRE

De même, cette couverture n'a jamais été retrouvée située en place, recouvrant le dessus du laboratoire. Elle devait exister dans le cas d’un laboratoire permanent et consister en une couverture plate provisoire recouvrant le chargement. Cette couverture était formée de mottes d'argile ou de tegulae posées à plat les unes à coté des autres, mais séparées par des interstices, ou bien encore de ratés de cuisson recouverts d'argile dans laquelle étaient percées des ouvertures. Elle pouvait également consister en une calotte d'argile moulée.

 

La chambre de chauffe

C'est la partie basse du four où débouche le flux de chaleur à la sortie de l'alandier. Cette chambre est caractérisée par deux impératifs - la nécessité de posséder des éléments porteurs de la sole et d’aménager des espaces conducteurs de chaleur. Les éléments porteurs peuvent être de différentes natures : piliers centraux, banquettes périphériques ; mais, dans la majorité des cas, il s‘agit de murets.

 

Les murets de soutènement

Ces murets édifiés en tuiles ou en briques, parfois même en pierres, sont destinés à supporter la sole quand la portée de cette dernière est trop importante. Ceux-ci sont reliés entre eux par des arcs de voûte qui délimitent un couloir central de chauffe permettant l’étalement du feu et la circulation de l'air chaud. Ils sont très souvent recouverts d'un enduit d’argile protecteur.

 

LA SOLE

C'est une plate-forme, qui sépare la chambre basse de la partie haute du four. Cette sole peut être constituée de différentes manières. Il peut s'agir d’une plaque d’argile cuite d'une seule pièce, " suspendue ", c'est-à-dire reposant uniquement sur les bords de la chambre basse, ou s'appuyant sur des soutiens (murets de soutènement, piliers). On peut également trouver des plaquettes évidées en demi-cercle sur les milieux des côtés, qui, assemblées, forment une plate-forme percée de trous. Plus simplement, cette sole peut être constituée d’un lit de tegulae disposées de façon à préserver des espaces vides entre elles. D’autres dispositions peuvent encore être découvertes. Il s'agit en fait de posséder une surface de soutien pour le chargement, dans laquelle sont ménagés des orifices pour la circulation de l’air chaud. Cette soie est généralement au niveau du sol antique.

 

Les carneaux

C'est le nom réservé aux conduits, percés (souvent à l'aide d'un bâton), à travers la sole, qui permettent la circulation des gaz chauds allant de la chambre de chauffe (le foyer) vers la chambre de cuisson (le laboratoire). Ils sont souvent enduits d'argile.

 

Les évents

Dans certains grands fours on trouve parfois des conduits plus larges que les carneaux. Ils sont disposés aux extrémités de la sole contre les parois du laboratoire, Ils sont placés là pour accentuer la distribution de chaleur dans les parties périphériques qui connaissent une déperdition de chaleur. Les fours de Fousseret (Midi-Pyrénées' possèdent de tels arnénagements

 

La cheminée

Une cheminée peut être aménagée dans cette couverture pour l'évacuation de la fumée et de l'air chaud. La présence d'une cheminée, débutant dès la chambre de chauffe, n'est connue que pour un seul four, celui de Fontes (Languedoc-Roussillon, nº 104), mais s'agit-il bien d'une cheminée ? connaît une importante dessiccation due à la chaleur excessive émise par le four. Ce drainage évite de graves déprédations que pourrait provoquer le ruissellement des eaux, accentué par la pente de la colline ou du talus contre lesquels la plupart des fours sont adossés. Cette raison explique les longs canaux de drainage de l'atelier de Mittelbronn (Lorraine, n° 118).

 

LES AIRES D’ENFOURNEMENT ET DE DÉFOURNEMENT

On peut découvrir également des aires destinées à faciliter l'enfournement du matériel à cuire, comme les zones de dallages, situées à l'arrière du four nº 1 de Heilingenberg-Dinsheim (Alsace, n° 80). Enfin des aires de défournement jouxtent certains fours. Sur celles-ci seront dis posés les matériaux de construction pour qu'ils finissent de refroidir.

 

 

LE DÉROULEMEMT D'UNE CUISSON

Durant les premiers temps de la cuisson, la temperature est élevée progressivement de façon à éliminer, sans risque d'accident, l'eau de mélange restant de la fa-brication des matériaux, ce qui s'accompagne d'un léger retrait. Vers 350° C, l'eau de constitution de l'argile commence à partir, ce qui entraîne le durcissement irréversible. Cette période est appelée le dégourdissage. A ce stade, le tuilier qui surveille constamment la cuisson grâce à des regards aménagés dans le four ferme l‘alandier avec l'aide d’une brique ou d'une dalle de pierre. Le tuilier gallo-romain n'a pas besoin de thermomètre pour suivre l'évolution de la cuisson. ll lui suffit de constater les différences de couleur pour savoir quelle température le chargement a atteint. La fermeture est nécessaire car la convection des gaz chauds est perturbée par la libération de vapeur d'eau, ce qui peut entrainer des retours de flamme.

Vers 500º C, l’argile est totalement déshydratée et les dangers dus à la présence d’eau n'existent plus. L’alandier est donc réouvert, pour que l'on puisse charger le four en combustible de façon à produire le maximum de chaleur pendant le temps nécessaire à l’obtention du degré de cuisson désiré. La structure de l’argile, de plus en plus cuite, se modifie. Les matériaux en argile présen-tent un aspect de plus en plus " serré ",plus dense, plus sonore. Ce pallier de cuisson s'obtient vers 900º C et 1100° C et est appelé le frittage. il est imprudent d'aller au-delà de 1200°C car, à cette température, apparaissent des phénomènes de grésage qui peuvent être suivis, vers 1250°C, d'un début de fusion, voire d'une vitrification superficielle liée à la présence de quartz par exemple.

Une fois le feu éteint, on ferme l'alandier pour que le refroidissement se fasse lentement, de manière à éviter les chocs thermiques générateurs d’accidents : fractures et fêlures. Dans la chaleur confinée, des réactions chimi-ques de combustion continuent à avoir lieu : on parle de post-cuisson.

périodiquement, ie four est réparé après une cuisson. La sole est aplanie, ses soutiens sont " rechargés ", la cohésion de toute la structure est vérifiée et assurée par un lustrage des fissures et des joints.

 

DURÉES, ATMOSPHERES ET ACCIDENTS DE CUISSON

La durée de la cuisson est variable, elle dépend des dimensions des différents fours et de la densité du chargement. Contrairement à une idée parfois répandue,un allongement de la durée de chauffe ne compense pas une température trop basse. Ainsi, une cuisson arrêtée à 800º C livre un matériel poreux car, à cette température, le " frittage " est à peine amorcé. Si nous nous fions à l'expérience d’artisans tuiliers contemporains, et pour des volumes de laboratoire comparabies, un cycle de cuisson type pourrait être le suivant : montée en température (petit feu) durant environ deux jours, palliers de cuisson (grand feu) maintenupendant trois jours et demi, enfin, refroidissement lent s'étalant sur une semaine, soit une durée de cuisson complète d'à peu près deux semaines. On sait aujourd’hui que l’adjonction de " fondants " (minéraux particulièrement fusibles, présents parfois en petites quantités dans l'argile) à la pâte peut permettre d’abaisser la température de cuisson requise, mais, jusqu'à présent, nous n’avons pas acquis la preuve qu’une telle technique ait été sciemment utilisée par les tuiliers gallo-romains. Par contre, nous avons de multiples exemples d'emplois de dégraissants de différentes sortes (quartz concassé, sable, cendres, etc.) dont la granulométrie est extraordinairement variée.

 

 

LES MATÉRIAUX PRODUITS

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– Matériaux de construction : a:  élérnents de toiture (extrait de Hofmann 1975). – .

Tegula. - b. imbrex (en pointillé : mortier de chaux-sable servant à imperméabiliser).

 

Extrait d'un article diffusé dans le bulettin paroissial de Novembre 1992:

Pourquoi le Four de Tuilier qui vient. d'être fouillé à Jonvelle, était-il construit en zone inondable" ????

– Essayons de nous reporter, loin en arrière.

La navigation sur les rivières est contemporaine da la Préhistoire. Les voies d’eau ont été les premières et las plus commodes des voies da transport, plus sûres, plus économiques et plus rapides que par terre .Seulement, en période de grandes crues, comme aux époques de sécheresse, la navigation s'arrêtait ou tout au moins devenait dort précaire .

On sait qu'en Gaule déjà, une batellerie active animait non seulement les fleuves mais aussi les petits cours d'eau aujourd’hui inutilisés. La domination romaine l'activa encore; STRABON ( -58 + 25 ) écrivait «En remontant le Rhône on peut naviguer dans un long espace de terres, charger ses bateaux de fardeaux pesants et les transporter dans différentes autres régions parce que la Rhône reçoit dans son sein d'autres rivières également navigables et propres à porter des bateaux chargés – ces rivières sont la SAONE et le DOUBS"

Les romains étaient frappés de la combinaison merveilleuse et providentielle des trois bassins du Rhône, du Doubs et de la Saône, qui leur permettait de lancer d'un seul trait leurs marchandises et leurs soldats jusqu'à BESANÇON et Mandeure par le Doubs – jusqu'à Seveux, Port sur Saône et Corre par la Saône. Ils confièrent la navigation de la Saône à des hommes choisis et comblés des plus grands honneurs. Ils avaient même envisagé le creusement. d'un canal de la Saône à la Moselle, dont l'intermédiaire aurait été le Conez, et qui aurait mis en communication directe la Méditerranée avec la Mer du Nord Rome, Lyon, BESANÇON avec TREVES, la capitale de la Gaule Belge L'importance de la navigation qui commençait à CHATILLON et à SELLES, diminua sans doute pendant la longue période des invasions successives , mais elle reparut au Moyen-Age, jusqu’au milieu du siècle dernier Grâce à la faiblesse da sa pente et à la constance relative de son débit, la Saône était l’artère du commerce et des échanges.

Une question nous vient naturellement à l'esprit : – Le franchissement des barrages ou des écluses des moulins établis sur la rivière ????

-- A l'époque romaine, il n'existait pas de moulins ou autres "usines" sur les rivières , – c'est une invention plus tardive (Moyen-Age). Chaque ménagère se servait de pilons ou de meules des meules ,actionnées manuellement pour moudre, écraser, quotidiennement la quantité de céréales (millet , blé, Etc...), nécessaire à la consommation familiale – (les fouilles nous ont livré plusieurs de ces meules circulaires en granit ou en pierre tendre), – de même qu'une ANCRE en fer (visible au Musée archéologique), servant à amarrer les grosses barques à fond plat, utilisées en batellerie. -- Pour descendre le cours de la Saône, il suffisait de se "laisser porter" par le courant . -- Pour remonter, surtout à charge, il est probable que déjà, des chevaux ou des mulets, tiraient ces barques à partir d'un chemin de halage, comme encore au siècle dernier, avant motorisation des Péniches. * Une autre Question ? l’état du cours de la Saône actuel ???? – il est bien encombré, c’est vrai, surtout depuis Corre ,dans son cours supérieur ; mais les romains ( intelligents et organisés) devaient certainement entretenir scrupuleusement les " Voies d'Eau" indispensables aux échanges commerciaux et, vitales pour leur Economie.

D'ailleurs l'histoire n'est qu'un perpétuel recommencement ; – Au Moyen-Age, les routes construites par les romains ayant cessé s'être entretenus et étant devenu impraticables, La Saône, redevint, comme au temps des Gaulois et des Romains, la principale Voie Commerciale. On Peut voir, dans les anciennes ordonnances des Comtes de Bourgogne, que -réparation des pontz,portz portières,deffends, combrots, chemins et de la rivière de Sogne, était classée parmi les intérêts généraux du pays et confiée à la surveillance du bailli d'Amont .

En Conclusion:

* il existe, vraisemblablement un port sur la Saône, à proximité de la Villa gallo-romaine * L'atelier de tuilier et de potier, nous fournira ( plus tard) des indications précieuses, grâce aux " marques", aux "dimensions" des tuiles produites à Jonvelle et qui ont dû être expédiées par la Saône en des lieux, jusqu'ici inconnus

 

Cette page a été réalisée grace a l'association "Le Foyer" du village de JONVELLE
et aux documents de l'Abbé DESCOURVIERES 
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